Lui a une bonne bouille, elle est jolie avec sa silhouette élégante. Elle et lui sont les animateurs d’émissions de divertissement sur M6 et les instruments, qu’on suppose inconscients, d’une effrayante entreprise de formatage.
L’émission qui s’adresse surtout aux femmes a pour sujet le shopping. Vive la coquetterie féminine et son besoin de renouvellement ! Nous n’allons pas nous transformer en bonnets de nuit et stigmatiser le plaisir de la parure. Certes, la scénarisation, qui pousse les participantes à se muer en peaux de vaches comme il sied à la téléréalité, est plutôt lamentable. Mais plus gênante est l’adoption de l’expression « pas moderne » à la place de « pas à la mode » lorsqu’il s’agit de sanctionner un choix « pas tendance ». La mode a toujours été une dictature. Cela n’a pas empêché certains créateurs de pousser leurs clientes à s’en dégager afin de choisir, avant tout, ce qui les met en valeur elles. La morale de l’histoire échappe heureusement aux concepteurs de l’émission et un téléspectateur objectif peut voir qu’une participante est assez souvent plus à son avantage dans la version de son choix que dans celle qu’on lui impose.
Plus lourdement radicale est la série d’émissions consacrée à l’immobilier. Pas question de demander quel est l’état de la toiture, de s’informer sur l’isolation, l’énergie utilisée pour le chauffage. L’important c’est l’espace (« un bel espace »), la luminosité, la déco. Ah la déco ! Pour la vente, elle doit être la plus neutre possible. Le gris, le lin, le taupe ont la côte. Scénarisation ou réalité qui dépasse la fiction : les « acheteurs potentiels » sont ravis et déclarent que ce décor « pour le plus grand nombre » c’est « tout à fait eux ». Un jeune type a atteint des sommets orgasmiques devant une chambre qui était « comme une chambre d’hôtel ! » On est mal parti et « il y a des travaux » si la cuisine n’est pas dans le séjour, s’il y a du carrelage (sol ou mur), si la douche n’est pas « à l’italienne », si le lavabo n’est pas à double vasque. De quoi rendre encore plus déphasés les habitants des HLM, qui n’ont déjà pas deux cent mille à plus d’un million d’euros de budget (Vous non plus ? Moi non plus.) et qui disposent d’un lavabo sur colonne et d’une cabine de douche. De quoi, aussi, lobotomiser les propriétaires partis pour le béton ciré et le plastique imitation parquet, lesquels envoient leur sanitaire à la décharge sans chercher à aimer le bleu et à se montrer créatif en composant un décor bien à eux.
Les bobos, en revanche, veulent conserver… mais les moulures, les parquets, la baignoire à pattes de lion et surtout les carreaux de ciment que l’on trouvait moches il y a peu.
La futilité a son charme. Et nous n’allons pas toujours rappeler que l’eau est précieuse, que des soeurs de la même espèce que nous marchent pendant des kilomètres pour rapporter un peu du précieux liquide chez elles, que le gaspillage des matériaux doit se terminer. Le plus grave n’est même pas là. Il est dans le formatage, la soumission… La bouille souriante de Stéphane Plaza est alors aussi glaçante que celle des mannequins en cire des films d’horreur.