J’imagine l’horreur qu’éprouveront nos arrière petits enfants lorsqu’on leur révèlera que leurs ancêtres mangeaient des animaux. « Pouah! » « Quelle horreur ! » Mais nous sommes bourrés de conventions. Certes, quand la 5G arrive après la 4 G, nous sommes prêts à bondir dessus. Mais pour remettre en question une consommation qui date d’avant l’agriculture ! « On a toujours fait comme ça. » Ce qui n’est pas vrai.
On a chassé. On a pêché. Et élevé quelques bêtes dans la perspective de n’avoir plus à chasser. Mais
on n’en tuait pas trois millions, dans ce pays, chaque jour. Qu’on a entassés, sans accès à l’extérieur, dans des cages, sur caillebotis, séparant les petits des mères, en les mutilant quand ça nous arrange et en acceptant que les porcs, ces animaux sensibles (comme ils le sont tous) et particulièrement intelligents soient vingt pour cent à mourir avant le moment où nous avions prévu de les tuer. Et dans le déni que ce régime ne nous fait aucun bien. A qui cela ferait-il du bien d’ingérer de la souffrance ?
Je viens de passer quelques heures à ranger les appels à l’aide des associations – de plus en plus actives – qui titillent notre conscience en nous adjurant d’être enfin empathique à l’égard de nos frères les animaux. J’en sors horrifiée par notre inhumanité, notre profil de tortionnaires.
La cruauté organisée des élevages « industriels » et des abattoirs ne suffisant pas, nous cultivons, comme l’un des beaux-arts, la chasse, qui peut-être « à courre » pour y mêler chevaux et chiens, ou « au filet » pour entraver les oiseaux que nous ne piégeons pas « à la glue », ou « en battue » avec une dizaine de mâles de notre espèce s’alliant pour tuer un sanglier, ou « au déterrage » à l’occasion desquels une autre dizaine de nos mâles vont sortir « à la pince » blaireaux ou renards de leurs terriers pour les tuer à coups de pelle. Avec une place à part pour les très smart safaris. Sans oublier les versions marines de ces « sports ».
Pourtant le moment est venu de sortir de notre hébétude, de prendre enfin conscience, si nous ne voulons pas disparaître, comme un virus délogé nous le rappelle.